Généralement considérée comme un moment mineur du système de Hegel, l’analyse y occupe cependant une place étrange. Cette activité qui décompose des représentations, des objets ou des concepts est à l’origine des faux départs et des faux mouvements de la réflexion : mais elle permet également de condenser les acquis de l’anthropologie, dévoilant l’appropriation du monde extérieur par un sujet vivant et connaissant. Enfin, elle offre une vue originale sur la dialectique elle-même. La présente étude accorde une attention particulière à deux paradoxes : premièrement l’analyse est d’une telle immanence qu’elle rend compte de son objet par une suite de propositions identiques, et n’explique donc rien. Deuxièmement, elle est si formelle qu’elle semble valable pour tout type d’objets, mais dénature la singularité de chacun. Il s’agit alors de voir comment Hegel justifie ces paradoxes au nom de la lutte contre les totalités indécomposables, et les déjoue : il montre en effet que l’analyse infinie ne dégage pas des caractéristiques abstraites, mais sélectionne les moments où les oeuvres rendent compte de leurs auteurs, les points où s’expriment des décisions individuelles, libres et nécessaires.
Tout va trop vite, et de plus en plus vite, jusqu’au temps lui-même. Mais cette impression générale de vitesse absorbe sans vraiment rassembler le mouvement local, la perception de l’espace et du temps, l’expérience de l’écriture ou de la pensée. Elle risque de nous laisser aux prises avec une vitesse unique qui n’est qu’une ombre projetée par un impensé : celui de la valeur profonde de la lenteur, du repos, des racines et de la Terre. Cet essai vise à combattre cet impensé et à insister sur la pluralité des vitesses. Il défend l’idée que toute vitesse se mesure sur le fond incommensurable d’une vitesse infinie, qui n’est de l’ordre de l’expérience que si l’expérience elle-même (donc aussi l’impression de vitesse) n’est pas univoque. Contre l’attente d’une catastrophe généralisée, il entend préserver l’imprévisibilité des événements et la survenue à contretemps de chaque invention.
traduction italienne:
Derrida, engagé dès son enfance dans un corps à corps avec la langue et la nationalité françaises, choisit la philosophie pour cette exigence de justesse et découvre en elle l’exigence sans condition de la justice, différenciant en son nom le droit et la force qui l’institue. Indéconstructible, traçant la limite de ce qui peut se dire, la justice résiste alors aux pouvoirs des langues et des nations, se dissémine dans les lois grecques et juives, naturelles et positives, antiques et révolutionnaires, nationales et internationales.
Tout ce qui rend quelqu’un vraiment unique, tout ce qui appartient à son être, au-delà de son apparence vestimentaire, physique, constitue son caractère. Le caractère est le sens que l’on donne communément à l’être singulier, et c’est pourquoi on parle tant de lui. Qu’est-ce alors qu’un caractère impossible, insupportable ? Est-ce un caractère qui se confronte à son existence forcément finie ? Ou encore un caractère sans caractère, sans qualités ? Et quelles traces laisse-t-il ? Passant en revue les traits de caractères, de la bêtise à la folie et les caractères insupportables, des invivables aux destructeurs, Jérôme Lèbre nous tend un troublant miroir. Car s’il est devenu impossible de décrire les caractères comme le faisaient Aristote ou encore La Bruyère, notre temps ne favorise-t-il pas l’émergence de ces caractères impossibles ?
Deux philosophes s’entretiennent sur la situation et sur la signification de l’art aujourd’hui : ce que son nom veut dire désormais, ce que, bien loin d’être un nom désuet, il nous donne à penser de neuf. La pensée très élaborée de Jean-Luc Nancy sur ce sujet est reprise mais aussi continuée au cours d’une discussion où Jérôme Lèbre s’interroge avec lui sur la meilleure manière de saisir l’engagement du corps sensible dans l’activité artistique et l’approche des oeuvres, la relation de l’art à la technique, à l’histoire, sa modulation en arts traditionnels et nouveaux, sa position actuelle vis-à-vis de la religion, de la politique et de la littérature.
Dans ce monde qui semble soumis à une accélération constante, où l’on ne cesse de louer la marche ou la course, nous souhaitons et craignons à la fois que tout ralentisse ou même que tout s’arrête. L’ambivalence de ce désir reste à étudier, comme ce que signifie aujourd’hui le fait de ne pas bouger.La privation de mouvement est une peine ; le droit pénal, les disciplines scolaires ou militaires immobilisent ; les accidents et les maladies paralysent ; l’accélération technique se paye en inertie dans les embouteillages ou les bureaux. Les éloges de la mobilité comme la critique de l’accélération sont passés à côté de ces situations où l’immobilité s’impose, non sans violence.Il faut redonner son sens à l’immobilisation. Car cette peine est aussi une étape, une station, impliquant le corps et la pensée. Tenir, debout, assis, dans la position du lotus ou même couché, c’est exercer sur soi une contrainte signifiante. Les « mouvements » d’occupation des places nous le rappellent, l’art également. Savoir faire halte, c’est savoir résister.
L’Allemagne n’a plus de destin. C’est ainsi qu’elle est devenue une voisine comme une autre. Mais peut-être est-elle le pays qui a le plus pensé sa destinée et celui qui s’en est le plus écarté. Peut-être est-ce pour cela qu’elle a encore quelque chose à nous dire, qui n’est pas de l’ordre de la rigueur économique. Les textes présentés ici interrogent le romantisme et l’idéalisme allemands, puis se penchent sur la lecture qu’en font les penseurs français, de Blanchot à Nancy, pour brosser une esquisse de ce qui ne peut plus être ni une importation du vrai, ni une oeuvre collective, ni un destin commun ; dans la relation avec l’Allemagne se joue plutôt la prise de distance vis-à-vis de l’oeuvre, au nom de la singularité et de l’être en commun, ou, même si notre voisine l’évoque rarement, de ce qui peut encore se nommer communisme.
De Cahuzac à Benalla, les scandales suivent le rythme du monde ou participent à son accélération. Ils se diffusent par Internet, entraînant révélations et réactions instantanées. Au point que nous ne faisons plus la différence entre le vrai scandale et la provocation artificielle. Rien ne semble alors nous arrêter, ni dans la transgression ni dans la défense des règles, qui fragilise plus qu’elle protège. Scandaliser ou se scandaliser n’est pas réservé aux extrémistes. Nous sommes tous guettés par un conformisme qui engendre à son tour des scandales financiers, humanitaires, écologiques…C’est en résistant à cette multiplication de provocations, de scandales et d’affaires que nous pourrons faire apparaître le motif de cet emballement : un désir de justice qui affirme pour tous un droit à l’existence sur une Terre fragilisée. Que des êtres singuliers fassent de ce désir un droit, c’est la condition même de la démocratie.
Nous n’aimons pas les obstacles. Nous les voyons comme des empêchements. Ils nous feraient perdre du temps, mettraient en danger notre vie. Pourtant, les obstacles ne sont pas que des défauts à éliminer : ils sont également une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu’il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet ou de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps-à-corps, de contact entre les chairs, il y a toujours quelque chose, ou quelqu’un, ou une foule, qui se tient là et qu’on ne peut effacer. Pour Jérôme Lèbre, cette omniprésence oblige à poser une question d’une importance capitale : et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles ? Et si, par conséquent, plutôt que de les ignorer, et tout en sachant les contourner et les surmonter, il s’agissait avant tout d’apprendre de ces obstacles pour en devenir un soi-même – une résistance opposée à un mouvement d’appropriation ou de destruction ? Et si, en somme, il n’y avait rien de plus politique qu’un obstacle ? Car penser l’obstacle, c’est aussi penser une manière nouvelle de repartir – malgré tout.
Directions d’ouvrages collectifs
La croyance est-elle une fonction vitale, une cause de maladie, une aide à la guérison ? Rejoint-elle, en profondeur, la foi religieuse, ou plutôt la raison scientifique ou morale ? Est-elle une tendance inconsciente ou un acte volontaire ? A-t-elle un pouvoir politique, fictionnel ou fictif ?
Les auteurs se sont donné une série de questions sur la croyance et ont proposé des réponses argumentées, qui se conforment aux règles de la dissertation.
Destiné aux élèves des classes préparatoires aux Grandes Écoles et aux étudiants préparant des épreuves de philosophie ou de culture générale, l’ouvrage offre des pistes pour aborder concrètement ce thème très riche, qui s’ancre dans les faits et s’étend jusqu’à l’infini ― ou jusqu’à l’invraisemblable.
La passion est-elle déraisonnable, insensée, immorale ? A-t-elle sa propre logique, sa manière ordonnée de se transformer en passions multiples et de semer le désordre ? Désigne-t-elle seule son objet, et qu’en fait-elle ? Comment se communique-t-elle, se partage-t-elle entre différents sujets ?
Les auteurs ont dégagé une série de questions sur la passion et ont proposé des réponses argumentées, qui se conforment aux règles de la dissertation..
Destiné aux élèves des classes préparatoires aux Grandes Écoles et aux étudiants préparant des épreuves de philosophie ou de culture générale, l’ouvrage tente de faciliter l’approche de ce phénomène qui lie le moi et l’autre d’une façon spectaculaire et indocile.
La philosophie contemporaine et la phénoménologie du corps, en visant à rendre le corps plus multiple, plus habité par l’altérité y compris technique (Derrida, J.-L. Nancy), ont fait évoluer profondément le problème du lien entre âme et corps. Ces perspectives ont introduit dans le débat d’origine cartésienne des variantes liées à l’art, l’écriture et l’environnement. Orient et Occident se retrouvent ainsi confrontés à un corps aux multiples « décors », qui le spécifient, l’entourent, l’enrichissent.
L’œuvre singulière plurielle de Jean-Luc Nancy a croisé presque toutes les préoccupations majeures de la philosophie – temps, être, espace, négativité, forme, image, poésie –, et a exercé une influence considérable sur de nombreux intellectuels et chercheurs du monde entier. Dans cet ouvrage, qui rassemble des articles rédigés par des philosophes et spécialistes reconnus, français et étrangers (Europe, Inde, États-Unis, Japon, Brésil, Chili, Égypte), les auteurs rendent hommage à Nancy pour son amitié et sa pensée.
Considérant qu’une histoire particulière de la philosophie a pris fin, Nancy a montré que la philosophie peut se lever à nouveau, touchant à son éternité. Il a invité à la recommencer de manière multiple, métaphysique, post-phénoménologique, politique, littéraire et esthétique. Se souvenir de sa pensée, c’est donc recommencer ici d’une manière plurielle avec lui ; c’est relancer dans son sillage la réflexion sur la démocratie et l’art, en réassumant une approche résolument transversale, avec ce que Nancy appelait anastasis – ce qui « ne provient pas de soi » mais « vient de l’autre, ou relève de l’autre en lui ».
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